Voilà c’est fait, cela devait arriver, un membre de notre petite famille a été touché par le virus. Évidemment j’ai toujours su que ça nous tomberait dessus à un moment ou à un autre. Parce que j’ai besoin d’en garder une trace, parce que l’écrire c’est aussi une façon de digérer, je vais détailler le déroulé des évènements ici. Mon récit est long, très long, mais vous n’êtes pas obligés de le lire ;-) Promis ! Il y a certainement des fautes, car je l’ai écrit d’une traite.
Tout a commencé le jeudi 14 janvier, le fameux jour où la neige est tombée en bonne quantité, suffisamment pour que les transports scolaires soient interrompus pendant deux jours. Ce jeudi, les enfants commençaient tous les deux à 9h, et j’avais prévu de les déposer à l’école, même si je me doutais qu’il y aurait de nombreux absents et qu’ils ne travailleraient pas beaucoup. En se levant, Candice m’a confiée qu’elle se sentait très fatiguée et qu’elle avait des courbatures partout. Elle avait une petite mine, à tel point que je lui ai proposé de rester à la maison. A ma grande surprise, elle qui n’aime pas manquer l’école, a accepté et est retournée s’allonger. Je ne me suis pas alarmée, j’ai pensé à un gros coup de fatigue. Et la neige a continué à tomber de plus belle, dehors le paysage changeait. Adrien est sorti faire un bonhomme de neige dans le jardin. L’école buissonnière, c’est assez rare chez nous pour le souligner !
En fin d’après-midi, Candice se sentait toujours aussi mal et nous avons vérifié sa température : 38°. Et là j’ai commencé à douter. Et si… ? J’ai cogité : la semaine précédente, elle n’était pas allée au lycée, elle avait cours en visio (une semaine sur deux). Elle n’avait pas mis le bout de son nez dehors. Elle n’avait donc été au lycée que ce lundi, mardi et mercredi. Comment pourrait-elle avoir attrapé le virus et être déjà malade ? Non, impossible.
On essaie toujours de se rassurer comme on peut.
Le lendemain matin, 6 heures. Toujours 38°. Candice n’arrive pas à se lever de son lit. Elle a terriblement mal à la tête. Je réagis, je dis à Adrien qu’il n’ira pas à l’école, il n’y a pas de bus, tant-pis. J’emmène Candice au laboratoire faire un test Covid.
On attend fébrilement les résultats, je me répète « non ce n’est pas possible, ce n’est pas possible » en boucle dans ma tête. Le soir, le résultat tombe : test négatif.
Immense soulagement, je me sens complètement rassurée, ce n’est qu’un coup de froid, cela va aller. Fausse alerte. Je la chouchoute, Candice est sagement sous sa couette, avec un doliprane, du réconfort, des câlins (oui, oui, plein de câlins !). (Je me sens tellement naïve maintenant en écrivant tout ça…)
Dehors, Adrien profite de la neige, nous faisons une grande balade, il fait de la luge avec son papa. Il s’éclate.
Dimanche tout pareil. J’ai un contrecoup, j’avoue, je reste une bonne partie de l’après-midi, allongée, mon stress a pris le dessus, je suis nauséeuse. J’essaie de me reposer, je m’allonge près de Candice, on papote sous sa couette.
Lundi, Adrien retourne à l’école. Je reste en télétravail à la maison, allez savoir pourquoi, je décale mon retour sur site à jeudi. Je suis avec Candice toute la journée. Elle a énormément de courbatures, toujours un violent mal de tête, elle pleure, elle se sent épuisée. Elle essaye de suivre ses cours, car c’est sa semaine de cours à distance, mais elle est très fatiguée. Le doute me submerge à nouveau, je m’inquiète. Ou peut-être est-ce un syndrome grippal classique ? Je lui propose de l’emmener chez le médecin, on convient du lendemain, si ça ne va pas mieux.
Mardi. Pas d’évolution de son état, le mal de tête ne la lâche pas. Fin de matinée, coup de fil du secrétariat du lycée : « Bonjour, votre fille a été identifiée cas contact, au sein de sa classe. Elle doit être testée demain, certains enfants n’ont pas été raisonnables. Ils ont retiré leurs masques dans les vestiaires de sport, ils n’ont pas été prudents.» Je lui explique qu’elle a déjà été testée vendredi dernier, que le test était négatif. Mais la secrétaire m’explique que pour retourner en classe, il faudra présenter un test négatif. Soit. Je raccroche. Candice et moi, nous nous regardons.
Et merde !!! Cas contact + symptômes ! Ça commence à faire beaucoup. Gros stress.
Toute sa classe commence à s’envoyer des messages, certains décident d’aller faire le test aussitôt. On se dit que comme elle a déjà des symptômes, on peut y aller aussi.
Allez, retour au labo. Re-test en fin d’après-midi.
Mercredi matin, tôt. J’ai un pressentiment. En même temps, à moins d’être aveugle !!! Je commande un drive, de quoi tenir une semaine à quatre si l’on est isolé 7 jours. Adrien me parle de son conseil de classe qui aura lieu lundi prochain. Il est délégué, il l’attend avec impatience. Il me dit que non, on ne va pas être isolé, il ne peut pas manquer son premier conseil de classe ! Je lui explique que l’on va attendre les résultats, et qu’on s’adaptera ensuite à la situation.
10h, je passe récupérer mon drive. Avant de redémarrer, j’entends un SMS. Je pense au SMS de résultat. Je jette un œil, il y a deux SMS. Le labo et l’ARS. Je n’ai pas encore lu, j’ai déjà compris. Je suis abasourdie : le test est positif.
Je rentre. Je me sens terriblement mal. Donc, le premier test est un test raté, Candice est bien positive depuis plusieurs jours. Nous avons été si naïfs ! Trop tard, le mal est fait. Je pense à nos soirées « Friends » sous la couette avec Candice et son frère, à nos câlins, nos bisous. Gloups. Pour la prudence et les gestes barrières, on repassera. On a tout faux !!!
Je préviens l’infirmière du lycée, mon mari qui repart de son travail aussitôt, le collège de mon fils. Je réponds aux coups de fil de l’ARS, du médecin du rectorat (alors c’est rigolo, mais je n’ai jamais su pourquoi ce monsieur m’avait appelée ! Concrètement, après avoir raccroché, je me suis dit « mais pourquoi il m’a appelée en fait ;-) ???!!! » Et bien, je ne sais toujours pas !). L’après-midi, à notre tour d’aller au laboratoire nous faire tester tous les trois.
3 heures après, nous avons déjà nos résultats. Tous négatifs. Alors on ne saute pas de joie. On n’y croit plus trop à la fiabilité des tests… On se demande plutôt ce qui va nous tomber dessus. Et quand ???
Jeudi. On est tous isolé à la maison. 7 jours. On est tendu, je n’ai pas dormi, j’ai peur. Candice culpabilise beaucoup, elle craint de nous avoir contaminés. Elle ne veut plus sortir de sa chambre, refuse que je la prenne dans mes bras. Je la rassure, lui explique que si contagion il y a, c’est certainement déjà trop tard. Je lui promets que nous allons néanmoins faire attention. On passe tout ce qu’on peut à la Javel, on sépare nos brosses à dents ( !), on lave tout à 60°. On se rassure comme on peut (ou pas !). La classe de Candice s’envoie les résultats des tests : au fur et à mesure de la journée, ça tombe. Jeudi soir, sur 25 résultats, il y a 11 cas positifs. Les autres, nous ne savons pas.
Vendredi. Nous sommes toujours très nerveux. Candice suit les cours du fond de son lit, son ordi sur les genoux. Leurs profs apprennent avec surprise que nombreux sont malades, ils n’ont pas d’info, à cause du secret médical. Lors d’une courte pause, Candice pleure et me raconte qu’une de leurs profs leur a dit que c’était de leur faute, qu’ils n’avaient qu’à respecter les gestes barrières, qu’ils ne seraient pas tombés malades. Que lundi les cours auront lieu en présentiel, que les élèves malades devront se débrouiller pour les rattraper, et qu’ils auront double de dose de contrôles à leur retour. Je craque, je m’énerve, je lui propose d’appeler le lycée, elle refuse et retourne bosser. Je réfléchis, mais la colère monte. Comment peut-on culpabiliser les enfants ainsi. Je décide d’envoyer un mail au proviseur et à l’ensemble des profs. Écrire sous le coup de la colère, ce n’est pas forcément la meilleure chose à faire. Je pèse mes mots.
J’envoie ce mail : - Covid, quel soutien aux enfants touchés ? « Bonjour, je me permets de vous envoyer ce message, car je perçois chez ma fille Candice, positive au Covid un profond désarroi. Elle est malade et très fatiguée, néanmoins elle suit scrupuleusement les cours de son lit.
J’ai confiance en elle et je sais qu’elle a respecté les gestes barrières. Hormis le lycée, elle n’est pas sortie les jours précédents, et enfin elle n’a pas retiré son masque dans les vestiaires de sport comme me l’a indiqué le secrétariat au téléphone mardi.
Elle subit cette situation, comme beaucoup de personnes atteintes du Covid.
Entendre répéter « si vous n’avez respecté pas les gestes barrières… » est culpabilisant et n’aide pas beaucoup, dans une situation pénible et pénalisante car Candice va devoir manquer les cours la semaine prochaine, se débrouiller pour rattraper ce qu’elle a manqué et à son retour faire une double dose de devoirs surveillés. Dur !!!
Je vous avoue que je suis contrariée de voir que ce sont, encore une fois, les enfants qui subissent cette situation liée à la pandémie, alors que ce sont nous, adultes, qui n’avons pas su les protéger.
Je tenais à vous exprimer mon ressenti, un peu de compassion ferait du bien peut-être aux élèves malades (et leurs familles qui sont isolées, en arrêt de travail, fratrie plus scolarisée, peut-être malades eux aussi, etc.) et qui pourtant ont respecté les gestes barrières...
Je vous précise que Candice ne lira pas ce message, ces propos sont les miens, c'était important pour moi de vous en faire part.
Cordialement, … »
Quelques minutes après, coup de fil de son prof de physique. Il tombe des nues, il ignore que beaucoup d’enfants sont malades, il me rassure, prend des nouvelles de Candice. Me dit qu’il aidera les enfants à leur retour. Que la classe va certainement fermer, que les cours auront lieu en visio… Bref, il est humain, chaleureux, ça fait du bien.
Des mails suivront dans la foulée, d’autres profs, tous aussi rassurants, « Que Candice ne s’inquiète pas… ; Nous allons nous adapter, qu’elle se repose. » Une prof qui regrette que ses propos aient blessé ma fille (elle s’est reconnue apparemment !) et qui parlait « d’enfants en général », qui ne respectaient pas les gestes barrières. Qu’elle ne mettait pas en doute son sérieux, qu’elle espérait qu’elle se remettrait vite et qu’elle devait se reposer. Des mots de réconfort.
Le feu d’artifice de la journée a lieu à 15h, avec un coup de fil de la CPE. J’avoue, je suis épuisée, mes nerfs sont tendus. D’une voix douce, elle me dit que le proviseur lui a transmis mon mail, et qu’elle comprend mon désarroi. Que dans leur lycée, ils font tout pour le bien-être de leurs élèves. Que les cours ne peuvent pas se faire en visio la semaine prochaine, mais que les absents les rattraperont, qu’ils seront à disposition pour les aider. Et là, la conversation devient surréaliste…
Je lui dis que je ne comprends pas. Je lui demande à partir de combien d’élèves positifs une classe est fermée. « Trois » me répond-elle. Blanc. Stupéfaction !!! « Mais dans la classe, ils sont à minima 11 à être positifs, vous allez donc la fermer ? » « Ah mais non, pas du tout. Vous vous trompez. Ils sont cas contacts, pas positifs. Il n’y a plus de cas positif dans sa classe. »
Pardon ?!!!
J’insiste : je lui explique que les enfants sont 11 à minima à être positifs. Ils se sont parlés en visio, ce sont donnés leurs résultats des tests (pas tous, car cela reste personnel), en ont parlé à leurs profs.
« Vous vous trompez, ce n’est pas possible. L’infirmière nous aurait prévenus. Ou alors les parents n’ont pas prévenu l‘infirmière. En tout cas, moi je ne suis au courant de rien. » Je suis abasourdie, je lui demande calmement de vérifier et je raccroche. En toute sécurité au lycée donc…
Aujourd’hui, nous sommes samedi. J’ai appris cet après-midi qu’une classe de seconde serait fermé lundi, à cause de nombreux cas positifs, mais pas celle de ma fille ! Qui sait peut-être que nous aurons un message, cette nuit, ou demain, ou jamais… A priori, le lycée semble complétement dépassé par les évènements. Je ne veux pas les accabler, cette situation sanitaire est complexe à gérer, ils font de leur mieux. Mais j’avoue que je culpabilise d’autant plus : nous n’avons pas assuré la sécurité de nos enfants.
Et sinon, le moral ? Et bien ce samedi, cela fait tout de même 10 jours que Candice est malade, pour la première fois, elle s’est sentie un peu mieux. Le mal de tête s’atténue doucement. Maintenant elle tousse un peu et est encore très fatiguée, mais retrouve le sourire. Elle m’a remerciée de l’avoir soutenue et d’avoir contacté ses profs. Elle ne veut toujours pas que je lui fasse de câlins : on compte les jours…
Et nous attendons de voir si le virus va nous attaquer à notre tour.
Mercredi, nous serons à nouveau testés, sauf si les symptômes nous rattrapent avant.
A suivre.